Alcool. Et si on faisait une pause pendant le Dry January ?
Ne pas boire d’alcool pendant tout le mois de janvier, c’est le défi proposé par les promoteurs du « Dry January » (littéralement janvier sobre), une incitation à repenser son rapport à l’alcool venue de Grande-Bretagne.
Les fêtes de fin d’année approchent et les Français s’apprêtent à enchaîner les repas bien arrosés. Une tradition que personne ne songe à remettre en cause. L’alcool, en particulier le vin, fait partie de notre culture depuis des millénaires, nous sommes nombreux à l’apprécier. Doit-on pour autant s’empêcher de réfléchir à notre consommation ?
La France est le troisième plus gros consommateur des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) et l’alcool y demeure une des premières causes d’hospitalisation. Les pathologies liées à une consommation dépassant les repères sont innombrables : sept sites de cancer dont le sein et le colon, des maladies cardiovasculaires (maladie hypertensive, AVC, arythmie, etc.), digestives, neurologiques, etc. C’est aussi un facteur majeur d’accidents de la route (impliqué dans 30 % des accidents mortels) et de violences. Au total, on estime que 41 000 décès par an lui sont attribuables. Les méfaits de l’alcool sur la santé et sur la société touchent donc une population bien plus large que les alcooliques patentés et les chercheurs observent une toxicité à des niveaux de consommation auparavant considérés comme à faible risque.
BUVEURS TROP RÉGULIERS
« Dans ma patientèle, il y a bien sûr des gens qui ont des consommations problématiques, buvant de manière régulière au-delà des recommandations ou s’alcoolisant ponctuellement de façon massive. Mais comme dans la population générale, la très grande majorité des consommations à risque ne relève pas de l’alcoolodépendance », précise la Dr Christine Maynié-François, médecin généraliste à Saint-Quentin-Fallavier (38). Un quart de la population dépasse les repères (voir encadré). « L’idée que la bière est moins dangereuse que les autres alcools est répandue alors que, compte tenu des quantités consommées, cette distinction n’a pas lieu d’être », poursuit-elle. Certains attribuent même ce brevet d’innocuité immérité au vin, confortés dans cette idée par le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume qui avait déclaré en janvier dernier que le vin n’était « pas un alcool comme les autres ».
Cette déclaration malvenue, tout comme celle, plus récente, selon laquelle le Dry January « c’est de la com’ », reflète bien les ambiguïtés des gouvernements successifs. L’opération Dry January devait d’ailleurs être promue par Santé publique France, les outils de communication étaient prêts. Mais à l’issue d’un déjeuner avec les producteurs de champagne, Emmanuel Macron a annoncé le renoncement du gouvernement… « Les campagnes de prévention et d’information sur l’alcool devraient être de la même ampleur que sur le tabac, mais à chaque fois ça bloque au niveau de l’État », regrette Bernard Basset, vice-président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. « Les progrès dans les connaissances ne sont pas non plus relayés auprès du grand public. Par exemple, l’alcool est facteur de cancer du sein, c’est important et pourtant ce n’est pas su. » De tous les cancers, c’est celui-là qui paie le plus lourd tribut à l’alcool : plus de 8 000 cas par an lui sont attribuables. Christine Maynié-François déplore elle aussi ce manque de soutien de l’État. « À l’occasion du mois sans tabac, ce sont mes patients qui m’en parlent, ils se sentent encouragés par cette émulation collective et peuvent avoir accès à des outils utiles. Pour cette raison, c’est dommage que le gouvernement ait renoncé à soutenir le Dry January. De plus, ce rétropédalage envoie un message contradictoire sur les méfaits de l’alcool, les gens risquent de croire que la proposition de l’arrêt pendant un mois n’est pas vraiment justifiée. »
FAIRE LE POINT SUR SA CONSOMMATION
Cela dit, le Dry January n’est pas l’équivalent du mois sans tabac, supposé enclencher le premier pas vers l’arrêt. Comme le répètent toutes les associations qui le promeuvent, l’idée c’est de s’interroger sur son rapport à l’alcool, la place qu’il tient dans notre vie, les quantités consommées et ressentir l’effet que produit une pause. Les Britanniques qui connaissent l’opération depuis plusieurs années ont pu en mesurer les bienfaits. Selon une étude de l’Université du Sussex sur 800 participants, la consommation déclarée six mois après l’opération est toujours en baisse par rapport à celle antérieure à la pause. Sans doute du fait des effets positifs que ces personnes ont dit constater : en vrac, sentiment de fierté, économies, constat qu’on peut s’amuser sans alcool, amélioration du sommeil, de l’énergie et de la concentration, perte de poids (un verre d’alcool, c’est environ 80 calories), etc. Sur le plan médical, des mesures objectives ont pu être menées sur une centaine de sujets. Elles ont confirmé qu’un mois d’abstinence suffisait pour voir s’améliorer divers marqueurs comme la tension artérielle, la résistance à l’insuline ou des facteurs de croissance des tumeurs cancéreuses. Ajoutés aux témoignages enthousiastes, sur les réseaux sociaux et ci-dessous (voir encadré) des personnes qui ont tenté l’expérience, ces constats donnent envie de rejoindre le mouvement. Chiche ?
ILS L’ONT FAIT
« Beaucoup plus d’énergie »
« Sorties fréquentes, cours d’œnologie : l’alcool fait partie de ma vie. Et j’ai une tendance à la dépendance (tabac, morphine après un traitement). J’avais donc envie de me tester et de reposer mon foie. J’ai été ravie de cette expérience : je me suis sentie beaucoup plus énergique et plus sereine, ça ne m’a pas manqué pour m’amuser en soirée et j’ai apprécié d’être plus en forme le lendemain. Depuis que j’ai repris, j’y réfléchis différemment et bois moins. Je conseille cette expérience et compte la réitérer cette année. » Laurence B.
« Monsieur on boit un coup »
« Avec ma compagne, nous envisageons d’avoir un bébé. Elle devra arrêter de boire pendant sa grossesse et était persuadée que nous avions un problème d’addiction. J’ai toujours travaillé dans le domaine du vin : employé dans une vigne, caviste, restaurateur, etc. Un ami m’avait même surnommé « Monsieur on boit un coup ». Nous avons décidé d’arrêter un mois tous les deux. Dans mon milieu, les réactions n’ont pas manqué. Il a fallu expliquer, me justifier. Ensuite, on entend des remarques positives : « Tu as l’air moins fatigué. » Et on ressent une énergie assez spéciale. La leçon que j’en tire c’est que l’alcool n’est pas essentiel pour se sentir bien, y compris en soirée. Désormais, je sais que je vais consommer moins mais que j’en tirerai autant de plaisir. » Maxime S.
« Que l’alcool reste un plaisir »
« J’ai 52 ans et depuis 25 ans je m’abstiens de boire de l’alcool pendant un mois chaque année. Au départ, un ami avait un traitement médicamenteux qui l’empêchait d’en boire et le groupe de copains l’a accompagné. J’ai réitéré l’expérience car des proches ont eu des problèmes avec l’alcool et en sont morts. Il y a plusieurs formes d’alcoolisme et aucune n’est anodine. Moi j’aime le vin, son goût, son odeur, la convivialité qui l’entoure, les discours qu’on peut faire autour et l’ivresse qu’il procure, mais je tiens à ma santé. Et j’ai envie que ça reste avant tout un plaisir. Avec une date fixe, on n’a pas d’excuses et le faire à plusieurs c’est aussi une forme de partage. Le seul inconvénient c’est qu’à la fin du mois, ma fille dit à l’école : « Papa a recommencé à boire ! » » Luc Daniel
LES REPÈRES
- Maximum 10 verres par semaine
- Maximum 2 verres par jour
- Des jours dans la semaine sans consommation