UFC-Que Choisir de la Nièvre

Alimentation

Echec de la loi Alimentation. L’art de nier l’évidence !

Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour recevoir les réactions critiques d’acteurs de la grande distribution et même du gouvernement à notre opération « stop aux chèques en blanc », épinglant, chiffres à l’appui, l’échec cuisant de la Loi Alimentation.

 

Pour rappel, consécutivement aux engagements pris la main sur le cœur par la grande distribution et l’industrie alimentaire de mieux rémunérer les agriculteurs, la loi Alimentation, en relevant le seuil de revente à perte (SRP), a augmenté jusqu’à 10 % le prix des plus grandes marques. Mais vous me direz : quel est le lien entre une hausse des prix sur les colas, le café ou la pâte à tartiner et le revenu des agriculteurs français ? Justement, aucun. C’est la raison pour laquelle l’UFC-Que Choisir a dès le début combattu cette mesure aussi injuste pour les consommateurs, qu’inefficace pour le monde agricole. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que le choix de relever le SRP, dont le Gouvernement nous disait à l’époque qu’il était plébiscité par tous les acteurs professionnels, était en réalité contesté par Leclerc, les fabricants de MDD et les petites marques nationales.

Vous comprendrez donc mon réel agacement alors que certains s’acharnent, plusieurs mois après l’entrée en vigueur de la réforme,  à minimiser l’impact sur les prix de la loi Alimentation.

Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution, a par exemple prétendu que « le consommateur n’a pas été pénalisé par une hausse des prix puisque l’inflation est quasi nulle ». Et puis voilà qu’hier Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, se prend à contester aussi bien notre chiffrage de l’inflation que la pertinence d’étudier dès maintenant l’impact de la loi EGALIM !

Sur le chiffrage tout d’abord, ce n’est pas + 1,6 % comme elle nous le fait curieusement dire, ni + 0,3 % comme elle le prétend, mais + 0,83 %, ce qui représente pas moins de 1,6 milliard d’euros sur les deux ans que vont durer cette « expérimentation ». J’en profite au passage pour faire un petit point de méthodologie sur le calcul de l’inflation. Le chiffre de + 0,3 % que la grande distribution et la secrétaire d’Etat se sont empressés de reprendre, n’est pas un chiffre d’inflation, du moins pas au sens économique du terme. C’est une simple moyenne arithmétique qui donne le même poids aux grandes marques qu’aux marques distributeurs (MDD) et autres petites marques, alors même que ceux-ci pèsent beaucoup moins dans le chiffre d’affaires des magasins. Le véritable chiffre, celui qui correspond à ce qu’achètent les consommateurs est bien + 0,83 %.

Quant au calendrier, je voudrais rappeler une évidence : il n’est pas besoin d’attendre davantage pour mesurer l’impact du relèvement du SRP, sa mise en œuvre étant effective depuis le 1er février 2019 ! D’ailleurs, un autre membre du gouvernement a procédé à une étude d’impact sur les prix agricoles… En effet, l’impact de la loi sur la hausse du revenu agricole est malheureusement nul, comme le confirment la Confédération paysanne… et Didier Guillaume, Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation qui, pas plus tard qu’hier, déplorait « que les agriculteurs soient rémunérés à un prix inférieur à ce que ça leur revient ».

Alors que faire pour sortir de cette impasse ? Sans attendre, il faut annuler le relèvement du SRP qui n’est qu’un cadeau à la grande distribution, et, pour le revenu agricole, contrôler la bonne application la loi qui prévoit un rééquilibrage des conditions de négociations commerciales et en cas de non-respect, appliquer des sanctions réellement dissuasives.  Après le discours de Rungis, bien prometteur, il faut (enfin) que le gouvernement passe aux actes !