Alimentation. Brexit : God save the cuisine !
Deal or no deal? À l’heure où nous publions ces lignes, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne reportée pour l’heure à fin juin est toujours une sacrée tambouille. Un point cristallise les inquiétudes de part et d’autre de la Manche : l’alimentation.
Rétablissement des droits de douane, blocages aux frontières, rupture d’approvisionnement… Les éventuelles conséquences d’une sortie sans accord de la deuxième puissance économique de l’Union européenne (UE) inquiète et certains entrepreneurs surfent sur les craintes des uns et des autres.
KIT DE SURVIE POST-BREXIT
Le businessman londonien James Blake a ainsi fait les choux gras de la presse grâce à sa Brexit Box, un kit de survie à 295 £ (336 €) contenant de quoi se sustenter 30 jours en cas d’apocalypse post-Brexit à coup de chili con carne, fajitas ou autres macaronis au fromage lyophilisés. Mais les Frenchies auraient également du souci à se faire selon Archie Norman, directeur des grands magasins Marks & Spencer (20 sites en France). Il prédit en cas de no deal la fin de l’exportation de ses sandwiches ultrafrais fabriqués à Northampton, en Angleterre, et vendus chaque année à un million d’exemplaires en France : « Si nos camions sont stationnés dans un parking près de Douvres durant une demi-journée, explique-t-il, cela signerait la disparition du super sandwich Marks & Spencer ».
Au-delà de ces effets d’annonce, l’incertitude domine pour nos voisins îliens. Mais très dépendant, le Royaume-Uni qui importe près de 30 % de ses denrées alimentaires, craint avant tout une hausse de son budget sur ce poste, l’un des plus faibles d’Europe, et des ruptures d’approvisionnement.
GOODBYE CAMEMBERT !
Concernant les échanges avec la France, 89 000 tonnes de nos fromages sont importées chaque année outre-Manche, les Anglais étant notamment très friands de comté et de brebis basque. « Mais si le cours de la livre sterling décroche, ils seront sans doute contraints de consommer plus local », estime François Bourgon, fromager à Toulouse qui commerce avec le Royaume-Uni. Et quid du vin ? Deuxième acheteur d’alcools français derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne a en effet importé pour 1,3 milliard d’euros de vins et spiritueux de France en 2018. Dans un contexte économique défavorable, l’Angleterre pourrait bouder le vignoble hexagonal au profit de ses amis du Commonwealth, notamment l’Australie.
LES POISSONS NE CONNAISSENT PAS DE FRONTIÈRES
De ce côté de la Manche, le désamarrage de l’Angleterre à l’Union inquiète particulièrement le secteur de la pêche. Un no deal pourrait signifier la fermeture des zones de pêche anglaises et une réduction de moitié de la zone de prospection des pêcheurs en Manche. « Les chalutiers de haute mer tricolores assurent 40 à 70 % de leurs prises dans les eaux anglaises. Les conséquences seraient désastreuses de la Bretagne sud à Calais », estime Mathieu Vimard, de l’Organisation des pêcheurs normands. Sans compter la concurrence accrue des chalutiers belges et hollandais qui se reporteraient sur nos eaux territoriales.
Accord ou non, Aurélien Antoine, professeur de droit à l’université de Saint-Étienne et contributeur de l’Observatoire du Brexit, rappelle que « les Britanniques continueront, au moins au départ, à avoir les mêmes règles de commerce car les lois européennes sont inscrites dans leur droit depuis 40 ans ». Les changements se feront donc dans la durée. Que les plus prévoyants se rassurent, la Brexit Box se conserve 25 ans !
BRITISH, MAIS PAS QUE…
Certaines marques sont emblématiques du Royaume-Uni, pourtant leur production n’est pas si british que ça…
Twinings
La marque de thé « of London » appartient à la firme internationale Associated British Foods dont le siège social est toujours londonien. Elle est connue pour avoir ouvert l’un des premiers salons de thé à Londres en 1706… Mais aussi pour avoir délocalisé en 2010 une partie de sa production de l’Angleterre vers la Pologne.
After Eight et Quality Street
Les deux marques de bonbons anglais ont en commun d’avoir toutes les deux été créées par l’empire anglais de la confiserie Rowntree Mackintosh. Tombées dans l’escarcelle du géant suisse Nestlé, la première est toujours fabriquée en Angleterre à Halifax. La seconde est aujourd’hui produite en partie en Allemagne.