Grève SNCF. Les Cars « Macron », vrais gagnants ou vrais profiteurs ?
En quatre ans, les cars « Macron » (le transport régulier de voyageurs par autocar, dans son appellation officielle) ont pris toute leur place dans la panoplie des modes de transport à disposition des usagers. Près de 9 millions de passagers ont opté pour cette solution l’année dernière, souvent convaincus par des tarifs attractifs…
A quelques heures du démarrage d’une grève annoncée comme dure dans les transports, on peut ainsi s’attendre à ce que beaucoup de voyageurs trouvent dans les cars une alternative aux trains qui ne circuleront pas. Il faudra pourtant qu’ils soient vigilants, car l’atout tarifaire semble se faire la malle lorsque la concurrence ferroviaire ne circule plus !
C’est en effet ce que révèle notre analyse des tarifs des vingt liaisons autocar les plus fréquentées[1], qui transportent près du tiers des voyageurs. L’UFC – Que Choisir a relevé les tarifs à trois jours du départ pour le jeudi 5 décembre, début de la grève, et les a comparés aux prix relevés dans les mêmes conditions pour le jeudi précédent (28 novembre). C’est à une véritable flambée que nous assistons : les billets lors de la grève sont ainsi 129 % plus élevés qu’en période normale. Un phénomène qui touche les deux principales compagnies, Blablabus (+ 116 %) et Flixbus (+ 141 %).
Dans le détail, seulement deux liaisons ne subissent aucune inflation : Lyon aéroport Saint-Exupéry vers Grenoble, et Rouen vers Paris (- 9 %). A l’inverse, pour quatre liaisons, les prix ont plus que triplé : Lyon vers Grenoble (+ 235 %), Paris vers Lille (+ 263 %), Paris vers Rennes (+ 338 %) et la palme, Paris vers Lyon, dont le prix moyen progresse de… 888 % ! Sur cette ligne, le tarif Flixbus pour le jeudi 5 décembre est ainsi de 78,99 €, contre 4,99 € le jeudi précédent, plus de quinze fois plus cher.
Si cette inflation délirante est certes légale, le comportement opportuniste des sociétés d’autocar n’en doit pas moins être dénoncé. Comme la SNCF pour ses trains du reste, elles appliquent une politique de tarification qui varie, de manière très fine et en temps réel, en fonction de la demande (le « yield management »). C’est ainsi le jackpot pour elles lorsqu’une alternative aussi puissante que le train disparaît… et tant pis pour ceux, captifs, qui ne peuvent reporter leur déplacement. De l’or plein les poches, donc, mais pas d’excès de scrupules, et des pouvoirs publics impuissants qui contemplent la situation.
Cela me conforte donc dans le souhait d’une saine concurrence, régulée, dans certains marchés des transports. Comme on le voit, lorsqu’il n’y a ni alternative ni encadrement, même de manière très temporaire, l’augmentation des prix n’a plus de bornes. L’UFC – Que Choisir continuera donc de plaider pour de la concurrence là où elle l’estime utile aux voyageurs, pour contenir les tarifs comme pour inciter à la qualité.
[1] Relevés de prix réalisés le 25/11/2019 pour un départ le 28/11/2019, et le 2/12/2019 pour un départ le 5/12/2019, pour les vingt liaisons (dix liaisons aller et dix retour) les plus fréquentées selon l’ARAFER. Le prix a été relevé pour les deux compagnies principales du marché (Blablabus et Flixbus), pour un trajet dans chaque sens, le premier départ disponible à partir de 8h du matin.