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Alimentation

Alimentation. L’abricot bientôt hors circuit court ?

Les producteurs fermiers d’abricots seront bientôt tenus de respecter les règles de calibrage et d’emballage déjà en vigueur pour les détaillants, a décidé l’Interprofession des fruits et légumes frais (Interfel). Pour la Confédération paysanne, il s’agit d’une « attaque contre les circuits courts ». L’Interfel répond que cette mesure favorise une « montée en gamme ».

 

La Confédération paysanne a semé la panique dans les médias et chez les adeptes des circuits courts, quand elle a alerté sur une décision de l’Interprofession des fruits et légumes frais (Interfel)1. À partir de 2020, les producteurs fermiers vendant des abricots sur les marchés devront respecter les mêmes normes de calibrage (avec un tri selon la taille ou le poids) et d’emballage (pour les abricots à confiture) que les détaillants en circuits longs. Ils seront donc contraints de passer du temps à trier leurs fruits, à moins de s’équiper en calibreuses automatiques pour la bagatelle de 20 000 € (pour une machine neuve) !

Cet accord est en vigueur depuis plus de 10 ans, et il englobait déjà la vente directe sur les marchés (la vente à la ferme en est exemptée). Il s’agit d’une norme interprofessionnelle, mais pas d’une réglementation nationale ou européenne. Il n’était pas appliqué jusqu’à présent, faute de volonté, et sûrement aussi faute de moyens. Mais le nombre de contrôleurs devrait passer prochainement de 2 à 12, et « nous avons déjà été prévenus qu’il y aurait effectivement des contrôles », proteste André Bouchut, représentant de la Confédération paysanne à Interfel.

Il s’agirait donc ni plus ni moins de faire respecter la norme existante. Mais le syndicaliste n’en voit pas bien l’intérêt pour les consommateurs. « Ça n’a pas de sens pour les clients, il s’agit juste d’une mesure visuelle, avec des fruits classés par taille. Or, les consommateurs ne recherchent pas des fruits calibrés quand ils achètent un produit fermier, au contraire ! Et quelle sera l’étape suivante ? Va-t-il falloir calibrer tous les fruits et légumes ? »

L’Interfel explique que son objectif principal est de proposer « les meilleurs abricots » au consommateur. Il s’agirait aussi « de diminuer le gaspillage alimentaire en valorisant les petits calibres et fruits comportant des défauts » : ces abricots seraient préemballés et revendus comme « abricots à confiture » au lieu d’être jetés. Ces arguments interrogent : le calibre n’est pas synonyme de qualité ou de montée en gamme ; quant aux fruits abîmés, ils sont déjà valorisés comme abricots à confiture, mais sans suremballage avec un film plastique.

« Qu’il existe des normes, d’accord, mais faut-il tout mettre dans le même sac ? », proteste André Bouchut. Est-ce bien nécessaire d’imposer un investissement supplémentaire aux producteurs, alors qu’ils sont déjà soumis à une rude concurrence de la part des importations espagnoles ? À ce sujet, la Confédération paysanne a lancé une action le 16 mai, aux frontières avec l’Espagne, en instaurant un barrage filtrant au péage Le Boulou (Pyrénées-Orientales) sur l’A9. Le syndicat réclame « l’instauration de prix minimum d’entrée sur les fruits et légumes importés », provenant d’États membres de l’UE qui appliquent des « réglementations et pratiques sociales au rabais (niveau des salaires, droits sociaux) », à l’instar de l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne.

La Confédération paysanne rappelle quelques chiffres inquiétants : en France, un tiers des surfaces maraîchères et arboricoles a disparu en 25 ans, et la moitié des fruits et légumes sont désormais importés.

1. Cette décision du conseil d’administration de l’Interfel prise le 14 mai dernier sera votée le 4 juin prochain, et prendrait effet en 2020.